2024/09/10 Etre païen au XXIème siècle

par Gwyon Mar 10 Sep - 11:49

Il m'arrive souvent au cours des séminaires que j'anime en cours d'année d'évoquer le phénomène de synchronicité - et même d'en traiter largement.

Il est courant pour un grand nombre d'entre nous, de tomber « par hasard » sur une réponse à une question occupant l'esprit depuis un certain temps sans qu'une réponse satisfaisante n'ait pu être trouvée jusque-là.

Un matin, en relisant sur un forum la suite de posts relatifs au questionnement « Druide pour soi ou pour les autres », et par associations d'idées, j'en vins à réfléchir à la question du paganisme de nos jours, de son actualité, de sa place dans notre société...

Chose qui ne m'était pas arrivée depuis longtemps, je pris une pile d'anciens numéros du bulletin des Cahiers bretons du GCC (que je conserve année après année au même titre que d’autres publications, comme Kad, Druvidia, et bien sûr Ar Gaël), et ouvrit « par hasard » un des numéros des suppléments « Ar Gwyr » (n° 140) du même GCC paru en 1996. Ouvrant ce numéro « au hasard », sans rechercher quoi que ce soit de particulier, je tombai « par hasard » sur un article de /|\Yann Sukellos (Jean Thos) que certains d'entre nous ont, comme moi, bien connu et même côtoyé longuement.
J’insiste sur le « par hasard », car c’était réellement sans recherche préalable, donc par « pur hasard » (?), cela devrait être parlant pour qui est ouvert au phénomène de Synchronicité.

Le titre de cet article : "ETRE PAIEN AU XXIe SIECLE" m'accrocha instantanément le regard, et je le lus comme une réponse d'outre-tombe de notre Frère disparu il y a déjà si longtemps. Réponse double en fait, ou plutôt double écho, d'une part à cette méditation sur l'actualité du paganisme de nos jours, d'autre part aux entretiens internes à ma Clairière Uxellia relatifs à la nature des dieux et des déesses, et à cette énergie universelle que j'appelle "Grande Intelligence Organisatrice".

Je vous le livre ici in extenso.

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ETRE PAIEN AU XXIe SIECLE

Lorsque l'on prononce, à notre époque, le terme PAIEN, le réflexe commun est d'évoquer le monde rural, le "pecno", à la connaissance limitée aux seules choses de la terre.

Or, le terme PAGANI s'il s'appliquait à la gente rurale, ceux du PAGANUS (Pagus = village), son usage datant de l'époque de Constantin (306-337) ne fut accepté par les lettrés qu'après l'an 400 ; il s'opposait au MILES, au militaire, et désignait le civil; à l'époque de la diffusion du christianisme, il a donc deux sens: "rural" et "civil".

On peut donc considérer le païen, du paganus, comme un homme civil vivant dans l'espace rural, où il a ses racines; mais est-ce suffisant ?

Qu'est-ce alors finalement qu'un païen ? Cet attachement au terroir n'est nullement incompatible avec une métaphysique raffinée. Le païen sait reconnaître les forces présentes dans l'univers, à vivre en harmonie avec elles et non pas à vénérer la force brutale du guerrier. En tant qu'appel vers l'Esprit, pour le païen se pose comme postulat initial que le Kosmos est plein de forces qu'il lui faut apprendre à connaître, qu'il lui faut apprivoiser et surtout respecter.

Cette foi païenne s'exprime à travers les diverses déifications des phénomènes naturels (les dieux, aspects différenciés et adaptés de l'Unité créatrice), et sacralise ainsi le rapport de l'Homme avec la Nature qui le relie au Macrocosme.

Nos anciens pratiquaient une osmose déiste, de dépassement et de responsabilité, fondée sur leur foi en leurs propres capacités dans le cadre général de la nature de la Terre, l'Unité de l'Etre se retrouvant dans tout ce qui EST. Aussi voulaient-ils aider le chaos initial à s'ordonner, devenir un vecteur de progrès, sans aide, ni promesse de récompense, en s'appuyant sur leur plénitude intérieure, sur leur certitude à être pour agir.

Face à eux, vinrent alors les gens d'ailleurs, les "ALIENI", les Chrétiens, produit de l'ordre romain, structurant, dogmatisant, nivelant, communautaire.

Aussi la déformation du sens vrai du terme païen est-il dû à l'empereur romain Théodose (379-395) lequel décida "que personne, absolument, ne sacrifie une victime innocente, ni par un sacrilège plus discret, adorant un dieu lare par du feu, son génie par du vin pur, ses pénates par du parfum, n'allume de lampes, ne répande de l'encens, n'accroche des guirlandes", rendant ainsi un sens négatif à cette qualification naturelle de l'homme s'accomplissant totalement dans la nature, hors de tout dogme contraignant et stérilisant.

Le Paganisme est-il un humanisme, au sens antique du terme ?

En tant qu'appel à l'Esprit, le païen ressent combien le Kosmos est plein de forces créatrices (les dieux) qu'il lui faut apprendre à connaître, à aimer. D'où la claire notion d'appartenance au Tout macrocosmique en lequel nous sommes et vivons. Cette spiritualité païenne fut et est plus ou moins spécifique aux peuples d'Europe; il s'agit d'un phénomène d'intégration à la Vie au sens plein. Aussi en raison de la marche du temps, qui est Mouvement, les païens du XXIe siècle seront à la fois proches et différents de leurs ancêtres celtes, grecs ou slaves.

En effet, le néo-païen n'attend rien de particulier des dieux, il se veut libre mais conscient de sa filiation divine, assurant sa propre responsabilité à ETRE avant d'agir.

Le moderne païen ne sépare en rien la matière de l'esprit, rejetant la dualité pour la fusion en l'Unité. Les dieux sont de ce monde, et ce monde est Divin, comme le disait Héraclite: "Dieu est jour et nuit, guerre et paix, satiété et faim, il se métamorphose, comme le feu qui, quand il se mélange à des aromates, prend le nom de chacun de ses parfums (Frag.67). Ainsi pour VIVRE le SACRE nous faut-il d'abord bien se connaître, s'ouvrir pleinement à l'Autre, dépasser l'égoïsme, et pour cela être en éveil, vouloir appréhender toute chose en son essence et la considérer à notre égal. L'homme libre ressent alors profondément le mystère, à savoir que toute l'énergie est en œuvre dans la plus infime des choses, la moindre des pensées, la moindre des actions.

Il peut ainsi faire vivre en lui cette triade:

"des dieux émanés de l'Un; un lieu, son paganus; un peuple, son ethnie."

Créant en lui cette harmonie, il ne peut que trouver sa véritable place dans le Tout.

L'Homme Libre peut ainsi agir de manière chevaleresque dans sa vie privée, professionnelle, dans la simplicité de l’œuvre à accomplir.

Quand la nuit sera encore plus profonde, brilleront peut-être encore quelques lumières d'espoir.

/|\Yann Sukellos