2024/10/17 L'Archétype
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2024/10/17 L'Archétype
L’Archétype
Je vais tenter ici de cerner au mieux la notion d’archétype, en évitant les suppositions personnelles et les interprétations infondées malheureusement fréquentes dès qu’il s’agit de notions philosophiques. La philosophie requiert une pensée rigoureuse, et beaucoup de précision dans la terminologie de la formulation.
On trouve la définition d’ « archetypos » dans le dictionnaire Bailly, qui fait référence en matière de Grec ancien : « qui est le modèle primitif original d’une chose ».
Archè signifie ce qui est avant, le principe, l’origine, le point de départ, et comporte une notion d’antériorité.
Typos signifie l’empreinte, la trace.
On serait tenté à juste titre de penser aussitôt à Platon, mais ce dernier n’emploie pas le terme d’archétype mais d’Idées, préexistantes à la matière et régissant cette dernière.
On trouve le terme d’archétype dans les Œuvres Morales (Livre V chap. XX « De la Substance du Soleil ») de Plutarque, où sont passées en revue les représentations du Soleil chez différents auteurs grecs. Il y cite la théorie d’Empédocle (Ve av J-C), un philosophe formé à l’école Pythagoricienne, qu’il résume ainsi : « il y aurait en réalité deux soleils, ou plutôt un feu élémentaire qui entourerait la terre, et dont la réverbération serait notre soleil ». Pour désigner ce feu élémentaire, Plutarque emploie l’adjectif d’archétypal.
Chronologiquement nous citerons Philon d’Alexandrie, philosophe juif né à Alexandrie et contemporain de Jésus. Ses nombreux textes alimentèrent la pesée des « Pères de l’Eglise », bien qu’aucun de ses écrits ne fasse allusion ni à Jésus ni à ses disciples.
Philon d’Alexandrie tenta d’expliquer la révélation biblique par le langage philosophique grec, la posant comme une vérité première. Dans son texte « Legum Allegoriae » il présente une justification métaphysique de l’existence du dieu unique : si l’intelligence de l’homme ne peut pas appréhender l’essence divine, c’est parce qu’elle est confinée dans l’espace et le temps, alors que dieu les transcende. Il mentionne l’existence de Puissances divines, qui seraient autant d’attributs divins, et les Idées, sortes d’images, de pensées divines qu’il qualifie d’archétypes du monde sensible. Le monde serait une chaîne de modèles et de copies, dont la première copie de dieu serait le Logos, le Verbe. Les autres copies seraient multiples donc défectueuses. Dieu n’est que modèle, tout le reste n’est que copie et imperfection.
Il s’agit là, on le voit bien, d’un détournement de la pensée platonicienne et aristotélicienne ; il y introduit, en plus de la notion de hiérarchie présente, celle de soumission absolue de toute la création au principe divin unique. Il s’agit là de la première déviance doctrinale qui nous fit basculer de nos anciennes religions au monothéisme judéo chrétien, de la notion de l’Un archétypal au dieu unique de la tradition biblique.
Je parlerai à présent du grand penseur de l’archétype, Plotin (IIIe siècle av J-C), qui avec sa lecture de Platon, apporta tout le grain à moudre de l’Attique à la philosophie chrétienne.
Plotin (Ennéades, Livre VI chap. 8 ) décrit le principe du UN, principe primordial, et la nature de l’Intelligence, à la fois multiple et en accord avec elle-même, conforme à ce principe.
Je cite : « L’UN est l’Archétype de la puissance intellectuelle qui se meut autour de lui et qui est son image : car il y a dans l’UN une espèce d’intelligence qui, se mouvant pour ainsi dire dans tous les sens, et de toutes manières, devient par là l’Intelligence ; tandis que l’UN, demeurant au-dessus de l’Intelligence, l’engendre par sa puissance ». Il propose une métaphore pour illustrer sa vision : « Qu’on se représente la clarté répandue au loin par une source lumineuse qui demeure en elle-même : la clarté répandue est l’image, et la source dont elle émane, la clarté véritable. Cependant la clarté répandue, c’est-à-dire l’Intelligence, n’est pas une image qui ait une forme étrangère à son principe : elle est raison et cause dans chacune de ses parties. L’UN est donc la cause de la cause : il est cause de la manière suprême et dans le sens le plus vrai, contenant à la fois toutes les causes intellectuelles qui doivent naître de lui. »
Le sens donné au terme d’archétype demeura sensiblement le même aussi bien au Moyen Age dans Rabelais (Le Quart Livre « Comment par Homenaz nous fut montré l’archétype d’un pape ») que sous la plume de JJ Rousseau (Discours sur l’Origine), jusqu’au tout début du XXe siècle, où Karl Gustav Jung, en dissidence avec le père de la psychanalyse S. Freud, en réactualisa l’étude et le sens.
Pour Jung, l’archétype est une image originelle existant dans l’inconscient sans être issue de l‘expérience personnelle. C’est une énergie indépendante de l’esprit humain, qui a un pouvoir de transformation, et qui, par des images archaïques universelles, se manifeste dans les rêves, les mythes et les contes. Les images archétypales, en pénétrant dans l’inconscient, influent sur l’expérience perceptive.
Chez Jung l’archétype est une structure de l’inconscient avec des racines biologiques (ex : l’oiseau tisserand n’a jamais appris à fabriquer son nid). Les archétypes sont donc équivalents aux formes de comportement instinctif. Lorsque dans la vie survient une situation qui correspond à un archétype particulier, celui-ci, comme un instinct, pousse à sa réalisation.
Nous pouvons constater tout d’abord que la notion d’archétype ne saurait être indépendante de celle de dualisme et incompatible avec le monisme qui envisage une unicité de nature entre l’esprit et la matière.
Je vous propose ici quelques « images archétypales » :
L’Imago Mundi, représentation de l’Univers sur un plan réduit (microcosme) circonscrit, dont le sanctuaire, le temple, peuvent être les supports.
Le Centre du Monde, espace sacralisé à partir duquel le Monde s’organise ; il s’agit la plupart du temps d’un lieu privilégié (souvent en hauteur), réputé relié au plan supérieur par l’Axis Mundi, qui permet de quitter le monde profane pour atteindre de Sacré.
Le Vas Spirituale (nous en connaissons la représentation chrétienne, le Graal), réceptacle de la Connaissance, de la Vie, de l’Immortalité, contenant parfois l’eau de la Source.
Dans le domaine spirituel qui nous préoccupe, l’archétype serait un modèle exemplaire révélé dans le mythe et réactualisé par le rite.
Les archétypes seraient des prototypes idéels à l’origine de la symbolique. C’est en cela que les symboles constituent un langage capable d’agir sur notre inconscient, mais aussi de modifier notre réalité, puisqu’ils en expriment l’idée première.
Peut-être est-ce là la fameuse Parole Perdue, qui désignerait cette « matière manquante » dans l’Univers.
/|\Ategnata
Je vais tenter ici de cerner au mieux la notion d’archétype, en évitant les suppositions personnelles et les interprétations infondées malheureusement fréquentes dès qu’il s’agit de notions philosophiques. La philosophie requiert une pensée rigoureuse, et beaucoup de précision dans la terminologie de la formulation.
On trouve la définition d’ « archetypos » dans le dictionnaire Bailly, qui fait référence en matière de Grec ancien : « qui est le modèle primitif original d’une chose ».
Archè signifie ce qui est avant, le principe, l’origine, le point de départ, et comporte une notion d’antériorité.
Typos signifie l’empreinte, la trace.
On serait tenté à juste titre de penser aussitôt à Platon, mais ce dernier n’emploie pas le terme d’archétype mais d’Idées, préexistantes à la matière et régissant cette dernière.
On trouve le terme d’archétype dans les Œuvres Morales (Livre V chap. XX « De la Substance du Soleil ») de Plutarque, où sont passées en revue les représentations du Soleil chez différents auteurs grecs. Il y cite la théorie d’Empédocle (Ve av J-C), un philosophe formé à l’école Pythagoricienne, qu’il résume ainsi : « il y aurait en réalité deux soleils, ou plutôt un feu élémentaire qui entourerait la terre, et dont la réverbération serait notre soleil ». Pour désigner ce feu élémentaire, Plutarque emploie l’adjectif d’archétypal.
Chronologiquement nous citerons Philon d’Alexandrie, philosophe juif né à Alexandrie et contemporain de Jésus. Ses nombreux textes alimentèrent la pesée des « Pères de l’Eglise », bien qu’aucun de ses écrits ne fasse allusion ni à Jésus ni à ses disciples.
Philon d’Alexandrie tenta d’expliquer la révélation biblique par le langage philosophique grec, la posant comme une vérité première. Dans son texte « Legum Allegoriae » il présente une justification métaphysique de l’existence du dieu unique : si l’intelligence de l’homme ne peut pas appréhender l’essence divine, c’est parce qu’elle est confinée dans l’espace et le temps, alors que dieu les transcende. Il mentionne l’existence de Puissances divines, qui seraient autant d’attributs divins, et les Idées, sortes d’images, de pensées divines qu’il qualifie d’archétypes du monde sensible. Le monde serait une chaîne de modèles et de copies, dont la première copie de dieu serait le Logos, le Verbe. Les autres copies seraient multiples donc défectueuses. Dieu n’est que modèle, tout le reste n’est que copie et imperfection.
Il s’agit là, on le voit bien, d’un détournement de la pensée platonicienne et aristotélicienne ; il y introduit, en plus de la notion de hiérarchie présente, celle de soumission absolue de toute la création au principe divin unique. Il s’agit là de la première déviance doctrinale qui nous fit basculer de nos anciennes religions au monothéisme judéo chrétien, de la notion de l’Un archétypal au dieu unique de la tradition biblique.
Je parlerai à présent du grand penseur de l’archétype, Plotin (IIIe siècle av J-C), qui avec sa lecture de Platon, apporta tout le grain à moudre de l’Attique à la philosophie chrétienne.
Plotin (Ennéades, Livre VI chap. 8 ) décrit le principe du UN, principe primordial, et la nature de l’Intelligence, à la fois multiple et en accord avec elle-même, conforme à ce principe.
Je cite : « L’UN est l’Archétype de la puissance intellectuelle qui se meut autour de lui et qui est son image : car il y a dans l’UN une espèce d’intelligence qui, se mouvant pour ainsi dire dans tous les sens, et de toutes manières, devient par là l’Intelligence ; tandis que l’UN, demeurant au-dessus de l’Intelligence, l’engendre par sa puissance ». Il propose une métaphore pour illustrer sa vision : « Qu’on se représente la clarté répandue au loin par une source lumineuse qui demeure en elle-même : la clarté répandue est l’image, et la source dont elle émane, la clarté véritable. Cependant la clarté répandue, c’est-à-dire l’Intelligence, n’est pas une image qui ait une forme étrangère à son principe : elle est raison et cause dans chacune de ses parties. L’UN est donc la cause de la cause : il est cause de la manière suprême et dans le sens le plus vrai, contenant à la fois toutes les causes intellectuelles qui doivent naître de lui. »
Le sens donné au terme d’archétype demeura sensiblement le même aussi bien au Moyen Age dans Rabelais (Le Quart Livre « Comment par Homenaz nous fut montré l’archétype d’un pape ») que sous la plume de JJ Rousseau (Discours sur l’Origine), jusqu’au tout début du XXe siècle, où Karl Gustav Jung, en dissidence avec le père de la psychanalyse S. Freud, en réactualisa l’étude et le sens.
Pour Jung, l’archétype est une image originelle existant dans l’inconscient sans être issue de l‘expérience personnelle. C’est une énergie indépendante de l’esprit humain, qui a un pouvoir de transformation, et qui, par des images archaïques universelles, se manifeste dans les rêves, les mythes et les contes. Les images archétypales, en pénétrant dans l’inconscient, influent sur l’expérience perceptive.
Chez Jung l’archétype est une structure de l’inconscient avec des racines biologiques (ex : l’oiseau tisserand n’a jamais appris à fabriquer son nid). Les archétypes sont donc équivalents aux formes de comportement instinctif. Lorsque dans la vie survient une situation qui correspond à un archétype particulier, celui-ci, comme un instinct, pousse à sa réalisation.
Nous pouvons constater tout d’abord que la notion d’archétype ne saurait être indépendante de celle de dualisme et incompatible avec le monisme qui envisage une unicité de nature entre l’esprit et la matière.
Je vous propose ici quelques « images archétypales » :
L’Imago Mundi, représentation de l’Univers sur un plan réduit (microcosme) circonscrit, dont le sanctuaire, le temple, peuvent être les supports.
Le Centre du Monde, espace sacralisé à partir duquel le Monde s’organise ; il s’agit la plupart du temps d’un lieu privilégié (souvent en hauteur), réputé relié au plan supérieur par l’Axis Mundi, qui permet de quitter le monde profane pour atteindre de Sacré.
Le Vas Spirituale (nous en connaissons la représentation chrétienne, le Graal), réceptacle de la Connaissance, de la Vie, de l’Immortalité, contenant parfois l’eau de la Source.
Dans le domaine spirituel qui nous préoccupe, l’archétype serait un modèle exemplaire révélé dans le mythe et réactualisé par le rite.
Les archétypes seraient des prototypes idéels à l’origine de la symbolique. C’est en cela que les symboles constituent un langage capable d’agir sur notre inconscient, mais aussi de modifier notre réalité, puisqu’ils en expriment l’idée première.
Peut-être est-ce là la fameuse Parole Perdue, qui désignerait cette « matière manquante » dans l’Univers.
/|\Ategnata
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