COLLEGE DRUIDIQUE DES GAULES
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2024/09/22 Commentaires sur la monographie "Symboles fondamentaux" (Clairière Uxellia)

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Message par Ategnata Dim 22 Sep - 22:08

COMMENTAIRES SUR LA MONOGRAPHIE

« SYMBOLES FONDAMENTAUX » DE LA CLAIRIERE UXELLIA


La citation du texte tirée du Siège de Druim Damghaire, où il est question du souffle druidique (« Cithruad rentra au camp sous un déguisement pour ne pas être reconnu. L’autre s’en alla vers le Sud, tourna par trois fois son visage vers l’armée, et grâce à sa puissance magique, sur elle un souffle druidique. » à la suite de quoi tous les soldats de l’armée furent pris de confusion mentale et s’entretuèrent) m’a orientée vers un questionnement quant à la nature de ce souffle et des forces mises en œuvre.

Ce texte nous donne deux indications, la direction du Sud pour le déplacement du Druide, et le fait qu’il tourna son visage par trois fois.
Il s’agit bien du visage qui tourne, et non de la tête toute entière, c’est-à-dire qu’il s’agit là d’une triface, avec une calotte crânienne commune.

Nous avons en Gaule un dieu tricéphale, qui dans notre statuaire est associée au bélier ; il s’agit de BORVO, dieu des sources bouillonnantes, et du feu, du soleil souterrain, cause de ce bouillonnement. Dans l’Antiquité de nombreuses théories expliquaient les dynamismes telluriques pas la présence d’un feu chtonien qui assurerait l’ascension de l’eau depuis les profondeurs de la Terre jusqu’aux sources et se manifesterait parfois dans les éruptions volcaniques ; il y avait au centre ce feu/soleil, puis l’eau, puis la croûte terrestre.

Nous retrouvons cette représentation tricéphale dans plusieurs édifices chrétiens, mais le plus souvent il s’agit d’une image bicéphale, avec des yeux et un nez en commun pour la troisième face, ce qui nous ramène au dieu romain Janus.
En comparant leurs attributs respectifs ce rapprochement semble logique en raison de leur double attribution, le feu et l’eau. Comme il est rappelé dans la monographie à propos d’alchimie, « il faut laver avec le feu et brûler avec l’eau, afin de nous conduire au feu/eau (la faux) », Ovide dans le texte des Fastes(I) nous confirme le lien existant entre Saturne et le dieu Janus.

Ayons toujours à l’esprit que les divinités du monde antique étaient communes à plusieurs peuples et étroitement liées aux étoiles, aux planètes et à leurs mouvements qui rythmaient la vie sur terre.
Janus était inconnu des Grecs, Ovide pensait qu’il s’agissait d’une ancienne divinité étrusque (Rome connut des rois étrusques de -616 à plus ou moins -500).
Nous savons par ailleurs que la ville antique de Teurnia (à l’Ouest de la Carinthie), située à l’emplacement du village de St Pierre de Holz, dans la Vallée de Lurnfeld, était un lieu habité depuis 1100 av notre ère par des celto-ligures, les Taurici. Dans cette ville des fouilles archéologiques ont mis à jour un temple dédié à GRANNUS (Apollo/Asclepios), c’est-à-dire à BORVO. La Carinthie est séparée de la Vénétie par les Alpes Carniques, baptisées selon moi d’après la parèdre de Janus, Carna, et la Vénétie fut envahie au Sud pas les Etrusques, entre -750 et -500. Nous pouvons conclure que ce dieu, BORVO/GRANNUS devenu Janus, venait probablement des celto-ligures de Carinthie, pour être adopté par les Etrusques au fil des conquêtes et des migrations, puis par les Romains.

Je vais tenter, grâce aux textes d’Ovide (Fastes I,VI, Métamorphoses XIV) d’en apprendre un peu plus sur Janus, et ainsi sur BORVO.

Voici ce que nos dit Ovide à propos du dieu :


  • sans tourner la tête il voit ce que nul autre dieu ne peut voir ;
  • la Grèce ne connaît pas cette divinité, qui semble être une très ancienne divinité étrusque ;
  • ce dieu tient dans la main droite un bâton et dans la gauche une clé (ah ?) ;
    il cessa d’être une chose informe lorsque les éléments qui formaient un tout se séparèrent (il apparut donc à la formation de la Terre) ;
  • il est celui qui ouvre et ferme tout, océans, nuages, terre, il est le Gardien, et le Soleil n’a pas de course sans lui (c’était bien le Soleil qui se mouvait, et comment l’aurait-il fait sans son pendant chtonien fixe.) ;
  • les offrandes qui lui agréaient étaient le froment mêlé de sel (terre/eau), et à la nouvelle année il convenait de lui offrir des dates, des figues sèches et du miel afin d’ôter l’amertume de l’an à venir. ;
  • il regarde à la fois l’Orient et l’Occident (ce qui confirme sa position fixe) ;
  • s’adressant à Ovide, Janus lui dit « c’est en hiver que le Soleil commence et achève sa course » ;
  • il a un rôle de facilitateur dans les rapports des humains avec les dieux.


Dans ce texte, lorsqu’Ovide lui demanda pourquoi sur les pièces de monnaie il y avait d’un côté un vaisseau et de l’autre une double figure, Janus répondit que le dieu armé d’une faux (Saturne), chassé par Jupiter, entra avec son vaisseau dans le fleuve de l’Etrurie (ce qui confirme l’arrivée du dieu en Etrurie). Là, Janus lui donna asile (cela peut indiquer qu’il en endossa la représentation).

-Saturne est assimilé à Chronos, père de tous les dieux. Il est à souligner que Janus a le statut de « pater », au même titre que Jupiter et Mars.
Janus dit aussi à Ovide que lors du conflit avec les Sabins, il ouvrit le passage aux fontaines, et « fit jaillir les eaux aux nappes soudaines après avoir eu soin d’embraser du soufre sous la source glacée, afin que ce torrent bouillonnant fermât le chemin » (et là nous retrouvons Janus / BORVO)

-il est dit gardien de la paix, qu’il tient enfermée derrière les portes closes de son temple.
Carna est la parèdre de Janus, tout comme DAMONA est celle de BORVO. On connaît fort mal les attributs de cette dernière, mais Ovide nous parle de Carna. Elle est la déesse des gonds, ouvre tout ce qui est fermé et ferme tout ce qui est ouvert. C’était une nymphe (aspect aquatique de Janus/BORVO) qui se refusait aux hommes et chassait les bêtes fauves avec un javelot. Exactement comme Artémis, parèdre d’Apollon, mais, et c’est important, sans carquois, sans flèches, autrement dit sans les « rayons », donc un « autre » Soleil. Ovide dit qu’on la prenait souvent pour la « sœur » d’Apollon. Elle demandait à ses prétendants de la suivre dans une grotte (donc sous terre) et disparaissait. Janus la suivit à son tour sut immédiatement où elle s’était cachée, et la posséda sous la roche (ce qui nous reconfirme, si encore besoin est, la similitude avec BORVO) ; en dédommagement de sa virginité perdue, il « soumet les gonds à son pouvoir et lui donna une branche d’aubépine pour écarter des portes toute funeste aventure ».

Nous retrouvons ici un thème universel du dieu bélier (représenté par la fonction de forgeron) procédant à son propre sacrifice, décrit sous la forme du viol de sa parèdre, et créant ainsi le monde.

BORVO préside aux eaux bouillonnantes (parfois curatives, son épouse SIRONA les représente), et il est intéressant d’apprendre que Carna (la chair) avait le pouvoir de guérison, entre autres par les eaux. Elle était la déesse des entrailles (cœur, foie, reins).
Ovide nous révèle aussi, dans les Métamorphoses (XIV) que Janus eut pour épouse l’une des sept nymphes, Vénilia, dont il eut une fille, Canente, qui épousa Picus, fils de Saturne. On constatera que le nom de Vénilia n’est pas sans rappeler celui de Vénus, planète en direction de l’Ouest le soir et de l’Est le matin, souvent associée à SIRONA (Janus regarde à la fois l’Orient et l’Occident).

Picus fut transformé en oiseau par Circé, jalouse, appelée dans le récit d’Ovide « fille du Soleil », ce qui nous remet dans l’opposition « soleil du haut » / « soleil du bas ».

Revenons à ce Druide qui s’en alla vers le Sud.
Pourquoi cette indication, d’autant moins indispensable au récit que le Druide en question demeure non loin de l’armée qu’il met en déroute ? Pour trouver les points cardinaux les anciens, tout comme nous, utilisaient les étoiles ; si l’on prend l’étoile polaire, il s’est dirigé vers la Grande Ourse. Peut-être peut-on supposer, en étant très prudent, que ce faisant il fit appel aux énergies telluriques de l’Ourse

L’Homme Cosmique, représentant aussi l’Arbre, est orienté Nord/Sud, suivant les pôles, avec la tête au Sud (position respectée dans nombre de sépultures), représentée par l’étoile Canopus. En ce cas, on pourrait supposer que le Druide s’harmonisait avec l’Univers, devenait cette force, pour agir, tout en reproduisant un geste destiné à invoquer/devenir Janus/BORVO, puissance tellurique s’il en est. Il reproduit le triface, et ce faisant il incarne cette puissance pour ensuite l’utiliser contre ses ennemis par le souffle, véhicule de l’énergie accumulée.

C’est ainsi que j’ai ressenti ce texte, que je conçois la faisabilité du trouble dans lequel fut jeté l’esprit des soldats de cette armée. Il me paraît vraisemblable que la même technique soit mise en œuvre avec d’autres « éléments » et « archétypes » pour obtenir des résultats différents.

Ne craignons pas d’être chevauchés par les Dieux !

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