2024/09/01 La Légende de Gwion Bach
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2024/09/01 La Légende de Gwion Bach
Ce travail représente l'approfondissement de quelques points d'un texte rédigé il y a déjà plusieurs années par /|\Arzh Gadarn (Gwyon) et intitulé "L'histoire de Gwyon".
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LA LEGENDE DE GWION BACH
La légende de GWION BACH est tirée des Mabinogion. Ces textes ont été élaborés à partir de deux manuscrits, le livre Blanc de Rydderch et le Livre Rouge (XIVe). Ils sont articulés en quatre Branches :
1) PWILL, Prince de Dywed :
Ce conte a pour sujet la légitimité de la royauté, son origine divine.
2) BRANWEN
Il y est traité des relations difficiles entre les clans celtes
3) MANAWYDAN fils de LLYR
Ce récit décrirait la troisième classe de la société celtique, celle des artisans, des agriculteurs et des éleveurs
4) MATH, fils de MATHONY
Ce texte est plus spécialement consacré aux fonctions de la classe sacerdotale.
Le conte de TALIESIN est une pièce plus tardive des Mabinogion, et je n’ai pas trouvé d’information quant à sa datation et son origine. Il est mentionné pour la première fois dans un manuscrit du XVIe siècle ; Lady Charlotte Elizabeth Guest (1812-1895) en fit la première traduction en Anglais et la publia. Malheureusement ce texte passa entre les mains de Iolo Morganwg, antiquaire de son état, dont la probité intellectuelle a été remise en cause par beaucoup, qui la modifia, à tort ou à raison.
En ce qui concerne les Mabinogion, il semblerait que la traduction la plus fiable ait été celle de Joseph Loth, linguiste breton, en 1888.
Quelques remarques s’imposent : ces textes sont plus ou moins contemporains de la légende arthurienne, qui retrace à mon sens la fin de l’ancienne religion, tout en y insérant quelques indications relatives à cette dernière, le passage au Christianisme, avec ses guerres et ses emprunts au paganisme pour faciliter la pilule. Ce faisant, leurs auteurs ont aussi transmis sous forme de contes et de poésies un savoir ancien. Ces textes nous viennent du Pays de Galles : cette terre ne fut jamais conquise ni par les Romains, ni par les Saxons et resta de ce fait séparée du reste de l’Angleterre (le roi Offa fit même ériger au 8e siècle un mur de séparation de 350km de long entre les deux territoires).
Qui est CERRIDWEN ? Son nom apparaît pour la première fois dans les Triades Galloises (Trioedd Ynys Prydein Triades des Iles de Bretagne) vers la fin du XIIIe siècle dans le Livre Noir de Camarthen, qui relate des poèmes sans doute beaucoup plus anciens, qui comprend entre autres des références à la légende arthurienne, à des personnages de l’occupation romaine, à des personnages mythiques, d’autres historiques, d’autres encore de l’Âge de Fer (Casswallawn/Cassivellanus, Caradoc/Caratacus).
Ce sont ces mêmes triades qui furent reprises par Iolo Morganwg, ce qui permit à certains de dire qu’elles avaient été créées de toutes pièces.
Le nom de CERRIDWEN a de multiples orthographes, ce qui me fait penser que son origine est plus ancienne que les textes, puisque l’on a tendance à déformer ce qui est souvent répété.
Son époux serait Tegid Foel (Tacite le Chauve en Anglais). Il est associé au Lac Bala, anciennement Lac Tegid, le plus important du Pays de Galles, dont il serait la divinité tutélaire.
CERRIDWEN et Tegid eurent pour certains deux enfants, une fille aussi belle que sa mère, la blonde Creiwy, et un fils, Morfran (ou Morvran), aussi appelé Afagddu, en raison de sa couleur sombre et de sa laideur. En Gallois son nom signifie le Corbeau de mer, c’est-à-dire le cormoran. Selon d’autres textes, sa laideur est transférée à un frère (nommé Afagddu).
CERRIDWEN est donc épouse d’une divinité tutélaire d’un lac (une Dame du Lac) ; elle est décrite comme une reine, une magicienne, la « gardienne de l’Ouest ».
Elle ne peut que m’évoquer la déesse Cérès (reprise de la Demeter grecque, la déesse mère de la Terre, mais l’heure était au Latin), qui enseigna aux hommes l’agriculture, et dite aussi Déesse des Moissons. Jupiter eut d’elle une fille, Corè, associée au printemps. Cette dernière fut enlevée par Hadès et devint Perséphone (Proserpine), reine du monde souterrain. La douleur de Cérès fut si grande qu’elle décida que la terre demeurerait stérile tant que sa fille ne lui serait pas rendue. Hadès (Pluton) refusant de la rendre, Zeus (Jupiter) décida qu’elle passerait six mois avec l’une et six mois avec l’autre. Cérès insista pour garder sa fille auprès d’elle plus longtemps, et il fut décidé qu’elle resterait huit mois avec sa mère à la surface de la Terre, et quatre mois dans le monde souterrain.
Il est donc question ici de saisons. La ressemblance avec Cérès va plus loin : Cérès fut aimée de Neptune (Poséidon, dieu des océans) ; tentant de lui échapper, elle se transforma en jument, et aussitôt le dieu se changea en cheval. Elle eut deux enfants de Neptune, le cheval Arion et la nymphe Despina. Ce cheval est dit être le fils de la Terre et de l’Océan ; Despina est dite aussi « celle dont on doit taire le nom » (peut-être une redite de Perséphone, ou un autre aspect).
La jument de CERRIDWEN se nommant Ecume Blanche, je pense qu’il s’agit là d’une métaphore de l’union de CERRIDWEN avec l’Océan. Tout semble indiquer qu’elle serait donc déesse de la Terre, unie à la fois à l’Océan et au Lac Tegid, à l’eau de mer et à l’eau douce.
Ses deux enfants, l’un sombre l’autre clair en peuvent qu’évoquer la période claire et la période sombre (stérile et sans vie).
CERRIDWEN se rendit chez les Druides, savants réputés dans le monde antique pour leurs connaissances en astronomie. La préparation de la potion destinée à rendre Morvran moins « sombre » requiert donc un savoir en matière de lunaisons et d’herboristerie, c’est-à-dire quels moments précis étaient propices à telle ou telle plante. Il ne nous est pas dit lesquelles, ce qui porte à croire que là n’est pas le but du récit, mais qu’il s’agit bien d’un savoir calendaire.
Le chaudron, (nous ne nous attarderons pas sur la symbolique du chaudron utérus divin, source de vie) doit rester sur le feu un an et un jour, ce qui est le temps d’une révolution solaire vue de la Terre, et est surveillé par Morda et son aide, Gwion Bach.
Morda est un affluent de la rivière Severn, qui forme comme une frontière naturelle entre le Pays de Galles et l’Angleterre, et qui se trouve juste à l’Est du Lac Tegid. Il est possible qu’il soit dit « aveugle » car uniquement relié à la Severn.
Il est à noter que la Severn (Hafren en Gallois) a pour les Anglais comme divinité tutélaire la nymphe Sabrina, qui change et devient Nodens lorsque près de l’estuaire de la Manche elle est soumise aux marées ; Nodens est représentée chevauchant un hippocampe.
Nodens est une divinité celte que l’on retrouve en Gaule, et qui est associée aux dieux romains Mars, Mercure et Neptune.
Ce Morda nous confirme que nous sommes en présence d’un traité de géographie et de cosmogonie.
Reste Gwion, qui à mon sens représente l’Homme, ou plutôt à associer à Prométhée, qui vola le feu sacré de l’Olympe, le savoir divin, pour le donner aux hommes. Pour Prométhée ce savoir était lié au travail de la forge, puisque c’est Héphaïstos qui l’enchaîna à un rocher, et aux Arts (au sens large, ce qui inclut la philosophie).
Qu’en est-il du savoir de GWION ? Alors que CERRIDWEN s’était endormie, les trois gouttes de « puissance » jaillirent sur le doigt de GWION qui le porta à sa bouche.
Que sont ces trois gouttes ?
Les compétences des trois classes sacerdotales ?
Les trois classes de la société celte ?
Les trois temps de la philosophie, à savoir Chronos (le temps physique, les heures) Kaïros (le temps métaphysique, qualitatif, qui ne se mesure pas, le point de basculement décisif, le « bon moment ») ou Aïôn (le temps universel incluant le zodiaque et désignant une période infiniment longue) ?
Ou s’agit-il de l’Art, de l’Astronomie et de la Médecine ? J’opterais pour cette dernière proposition.
Il nous est dit que lors de sa première transformation, Gwion se changea en lièvre pour échapper à Cerridwen, qui pour le poursuivre se fit levrette. En consultant une carte du ciel, il nous est facile de voir que la constellation du Chien et celle du Lièvre sont proches, et donc visibles à la même période de l’année, au début de l’année celtique, à la fin de l’automne. Ces deux constellations étaient connues sou ce nom dans l’Antiquité, et cela nous confirme que cette poursuite de Gwion par Cerridwen est bien une course astronomique.
Lors de la seconde transformation Gwion devint un saumon, et Cerridwen une loutre.
Je n’ai trouvé nulle part trace d’une quelconque constellation ou étoile du saumon ; il y a des poissons (mais c’est un pluriel), et un poisson austral (mal placé). En revanche je ne pense pas trop m’avancer en envisageant la possibilité qu’il s’agisse de la constellation du Cancer, connue dans l’Antiquité sous le nom d’Ecrevisse. La loutre, « lutra », est appelée aussi « chien d’eau ». Ces deux constellations se trouvent être proches l’une de l’autre, mais succèdent dans l’année à celles du Lièvre et du Chien.
Lors de la troisième transformation Gwion devient un roitelet et Cerridwen un faucon.
Roitelet se dit en Latin Regulus, et se trouve être l’étoile principale de la constellation du Lion, constellation qui succède aux précédentes.
Je n’ai rien trouvé sur une constellation du Faucon, qui est surtout un animal solaire. Beaucoup d’étoiles ont physiquement disparu, d’autres ont été rebaptisées, associées différemment ou au contraire dissociées.
Viennent ensuite les transformations de Gwion en grain de blé, et celle de Cerridwen en poule.
En ce qui concerne le grain de blé, nous avons tout de suite pensé à l’étoile Spica dans la constellation de la Vierge. A proximité de Spica il n’y a pas de « poule », mais on trouve la constellation du Corbeau, et ces dernières succèdent aux constellations précédentes.
Toutes ces constellations sont celles de ce que nous appelons la « période sombre ».
Puis dans le récit s’ensuivent les deux fois neuf mois. Les premiers neuf mois furent ceux de la gestation de Cerridwen.
La seconde période de neuf mois ne peut-être une gestation, l’enfant étant déjà né. Il est d’usage en Méditerranée de donner son vrai nom à l’enfant longtemps après sa naissance, et l’on dit (à présent) que c’est pour le protéger du « mauvais œil ». On sait que dans la Rome antique les garçons ne recevaient leur nom qu’au neuvième jour qui suivait leur naissance. Avant, n’ayant pas de nom, il n’existait pas encore vraiment, il n’était pas « complètement là ». Dans le texte, Gwion, dans son coracle, est dit être « entre deux mondes », et c’est son « nouveau » père, Elffin, qui, selon la tradition patrilinéaire, lui donna son « nouveau » nom, Tal Iésin.
Ce texte, outre son aspect mnémotechnique destiné à retenir la course des étoiles dans le ciel, est destiné à nous enseigner non seulement l’origine de l’Homme, mais son passage dans l’au-delà et sa renaissance. C’est en cela que le saumon a sa place, puisqu’il revient mourir et pondre là où il est né, et que le grain de blé annonce la renaissance. Je ne pense pas que l’on puisse déduire de ce texte un quelconque métempsychosisme, malgré la présence d’un bestiaire imposant, ce dernier étant destiné à fournir des indications tout autres, mais sans en exclure la possibilité.
Il faut ici à mon sens tenter de nous débarrasser de notre mode de pensée cartésien et analytique pour nous rapprocher d’une pensée plus synthétique, plus proche de celle de l’Antiquité. Ce texte m’a évoqué les Textes des Pyramides, qui sont une liturgie, des paroles rituelles récitées pour l’éternité, ou plutôt pour le Kaïros, qui comportent des indications pour le « départ » et le voyage dans le ciel et vers l’au-delà, une cartographie pour ne pas se perdre pendant ce passage, où sont énumérées les divinités rencontrées (et ces divinités sont aussi des planètes).
Ces textes doivent être lus comme des symboles, avec plusieurs niveaux de signification qui doivent être appréhendés simultanément dans leur globalité ; l’enseignement que l’on en tire influe autant sur la raison que sur l’inconscient et le ressenti. Ils sont sensés agir tant sur l’intellect que sur le corps et le psychisme, afin d’ouvrir les yeux de l’âme.
Cette légende de Gwion Bach nous transmet d’un coup la création de l’Homme, la nature des forces qui nous entourent et rythment nos vies, les lois qui régissent l’Univers, avec le cycle des renaissances, ce qui en fait un véritable texte initiatique.
/|\Ategnata
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